Dans quel contexte s’inscrit la diététique traditionnelle chinoise ?

Voici les 5 branches de la médecine traditionnelle chinoise :

  1. Acupuncture, acupression et la moxibustion
  2. Le massage
  3. La diététique
  4. La pharmacopée
  5. L’exercice physique et énergétique (qi gong, tai chi quan)

La diététique prend donc une place importante dans la conception de l’entretien de la santé, elle fait partie d’ailleurs des 8 branches de ce que l’on appelle Yang Sheng Fa (méthodes pour nourrir la vie). Ses combinaisons sont utilisées depuis la nuit des temps pour entretenir la santé ou la recouvrer.

Comment est né la diététique traditionnelle chinoise ?

Voici un exemple tiré du Huangdi Neijing Suwen (Classique de l’empereur jaune) qui remonterait à l’époque légendaire chinoise (-2600 ans avant J-C). Ce texte, ou recueil de textes aurait été compilé entre -500 et 220 après J-C (Royaumes combattants et dynastie des Han). Il est considéré comme le fondement de la MTC.

L’exemple prit ici est traduit par Jacques André Lavier, il s’agit du 1er chapitre du Nei Jing (Vérité sur les anciens):

« Huangdi (Empereur jaune) : J’ai entendu dire que les hommes de jadis vivaient jusqu’à l’âge de cent ans, restant toujours actifs, ignorant la sénescence (ralentissement du processus vital chez les personnes âgées). Or les hommes d’aujourd’hui sont des vieillards à cinquante ans. Les générations actuelles seraient-elles différentes des anciennes ? Ou alors le genre humain a-t-il perdu quelque chose ?

Qi Bo (médecin et ministre de l’empereur) : Les hommes de jadis étaient des sages qui obéissaient au Tao, à la loi universelle du Yin Yang seule règle possible.  Ils buvaient et mangeaient modérément, se couchaient et se levaient à des heures régulières, vivaient sans désordre et sans perturbations. Ils avaient la notion des relations entre le corps et l’esprit et remplissaient parfaitement la durée de vie qui leur était accordée : on vivait alors jusqu’à cent ans.

Les hommes d’aujourd’hui sont bien différents (…) leur vie est désordonnée (…) les passions épuisent leur vitalité et les désirs la disperse. Ils ne savent plus se contrôler sagement et ont même perdu le sens profond des saisons. »

FU XI, SHEN NONG et HUANG DI sont les trois Empereurs légendaires qui, même si leur existence réelle est discutée, représentent 3 phases d’évolution de la civilisation chinoise 3000 ans avant notre ère.

Shénnóng

Shénnóng est connu comme étant un grand devin (vers 2800 avant J.C.), auquel les Chinois attribuent l’invention d’un système de comptage à l’aide de nœuds sur des cordes. Il enseigna la culture des plantes et fut le premier à réunir sur un livre plus de cent remèdes d’origine végétale. Le texte original connu comme Shen Nong Ben Cao Jing (Traité des herbes médicales) a été perdu et n’est connu que par les commentaires qui en ont été faits par des médecins du Vème siècle. On attribue à cet empereur l’introduction de la médecine par les plantes, les techniques de la pharmacopée.

Durant la période des Royaumes Combattants (475-221 av JC), le Huang di nei jing parle du processus de digestion,de la classification Yin/Yang des aliments (froid/frais), des 4 natures du Qi des aliments (froid, frais, tiède, chaud) et des 5 saveurs (acide, amer, doux, piquant, salé). Durant toute l’histoire chinoise l’alimentation va faire l’objet d’ouvrages sur l’art d’associer ou mélanger produits, goûts et saveurs dans l’optique d’un maintien de la santé ou pour la recouvrer.

Sūn Sīmiǎo

Sūn Sīmiǎo (581 – 682) célèbre médecin et taoïste chinois du début de l’époque des Tang est l’auteur du Qian jin yao fang. Avec Ge Hong et Tao Hongjing, de peu ses prédécesseurs, ce sont trois des plus grands alchimistes et médecins de l’histoire chinoise. Après sa mort à 101 ans (en 682), il fut vénéré comme le divin « Roi de la Médecine » yao wang 药王 et de nombreux temples lui furent dédiés à travers toute la Chine. À titre posthume, l’empereur Hui de la dynastie des Song, lui octroya le titre de « la Vraie Personne de la Réponse Miraculeuse ». Il est aussi crédité de la découverte fortuite de la poudre à canon à travers ses expériences alchimiques. Il faut dire que dans ces temps les médecins chinois se sont largement intéressés à la prévention des maladies, à leurs traitements ainsi qu’à la quête de l’immortalité à travers tout un tas de remèdes et d’expériences parfois dangereuses voir tragiques. Mais cela a aussi permis le recueil de tout un tas de recettes de pharmacopée ainsi que l’émergence de l’art de la diététique.

Quels sont les principes de la diététique chinoise ?

La diététique chinoise est en étroite relation avec la théorie des Wu Xing ainsi que le lien à l’énergie souvent traduit par Qi, 氣 (se prononce t-chi). L’alimentation prend en compte les saveurs, les couleurs et l’énergie qui en émanent (nous avons deux sources d’énergie principales à travers ce que nous respirons et ce que nous mangeons). De ce fait les chinois ce sont depuis fort longtemps intéressés à l’importance énergétique, qui est primordiale, pour vivre longtemps en bonne santé.

Ce secret de longévité est basé sur une circulation harmonieuse de l’énergie dans le corps : les 5 organes sont affermis et les 6 entrailles assurent correctement les transformations de l’alimentation et la distributions des humeurs, les os sont solides et la respiration est légère et calme. (Ling Shu)

Dans les fait la diététique s’intéresse à la qualité des aliments ainsi qu’à leurs tropisme sur l’organisme. Elle tient compte des saisons, des couleurs, des saveurs, prend en compte les modes de cuissons et la découpe.

Actions de 5 saveurs

Au chapitre 23 du Classique de l’empereur jaune : Les cinq énergies, il est dit: « Quand les cinq saveurs entrent dans l’organisme, l’acide va électivement au Foie, le piquant aux Poumons, l’amer au Cœur, le salé aux Reins, et le sucré à la Rate. Ainsi sont les affinités des cinq saveurs. »

Les saveurs sont déterminées à a fois par le goût en bouche ainsi que par la réaction interne provoquée par l’ingestion.

  • L’amer : La saveur amère purge, draine la chaleur excessive dans notre corps. Elle a également un effet asséchant.
  • Le doux/sucré : La saveur douce nourrit, humidifie donne des forces et apaise.
  • Le piquant : La saveur piquante disperse et permet une meilleure circulation des liquides et du Qi.
  • Le salé : La saveur salée permet d’assouplir, de ramollir ou de purger.
  • L’acide : La saveur acide est astringente c’est à dire qu’elle resserre, retient ou rassemble.

D’autre saveurs existent aussi :

La saveur aigre qui est une saveur acide et amère provoquant un sentiment désagréable.

La saveur âcre qui est irritante principalement au goût et à l’odorat.

La saveur insipide qui ne possède aucun goût.

La saveur fade qui elle, ne possède que peu de goût.

Quels sont les effets des saveurs en excès ?

Dans le Ling Shu, au chapitre discussion sur les Wu Wei (5 saveurs), l’Empereur Jaune interrogeant Shao Yu dit:  » Les 5 saveurs pénètrent dans la bouche. Elles se dirigent toutes vers un organe et se déclarent toute par une maladie. L’acide court vers les tendons. Son excès dans l’alimentation provoque la rétention des urines. Le salé part dans le sang. Son excès suscite la soif chez l’homme. Le piquant/âcre suit le Qi. Son excès suscite une insuffisance énergétique du cœur. L’amer part dans les os. Son excès provoque des vomissements. Le doux va dans les chairs, son excès cause la mélancolie. »

En complément, il est dit au chapitre 23 du Nei Jing traitant des cinq énergies : « Il ne faut pas abuser des cinq saveurs : le piquant stimule la respiration, mais celle-ci est perturbée si l’on en prend trop. Le salé stimule le sang, mais celui-ci sera malade si l’on en prend trop. L’amer stimule les os, mais ceux-ci seront malade si l’on en prend trop. Le sucré stimule le mésenchyme (les chairs), mais celui-ci sera malade si l’on en prend trop. L’acide stimule les muscles, mais ceux-ci seront troublés si l’on en prend trop. »

Au chapitre sur la vie des Zang (organes) voici les effets des saveurs en excès: « Quand on mange trop salé, les vaisseaux durcissent. Les yeux larmoient, le teint change. Manger trop amer sèche et dépile la peau. Manger trop piquant, contracte les muscles et rend les ongles secs. Manger trop acide provoque des nodosités dans les tissus lâches et détend les lèvres. Manger trop sucré détermine les douleurs osseuses et la chute des cheveux. (…) Tells sont les relations entre les 5 éléments sur le plan des saveurs et des Zang (organes). Les premiers étant les énergiseurs des seconds. »

Cela rend l’action de cuisiner complexe, mais peut s’avérer d’autant plus efficace combiné aux autres branches de la MTC.

Il est donc fréquent pour un praticien de donner des conseils sur l’alimentation tout comme il peut le faire avec des pratiques de Qi gong.

Comment les saveurs peuvent agir dans le traitement des organes en fonction des saisons ?

Voici un autre exemple du Huangdi Neijing Suwen (Classique de l’empereur jaune) pour comprendre l’utilisation des saveurs cette fois-ci en fonction des saisons. Dans le chapitre 22 : Manifestation saisonnière de l’énergie des Zang (Coeur, Rate/Pancréas, Poumons, Reins, Foie), en résumé il est dit que le physique est en rapport avec les saisons et les cinq influx (feu, terre, métal, eau, bois). Ainsi, le Foie domine au printemps. Si il est trop fort, utiliser la saveur douce (sucrée) pour le tempérer. Le Cœur domine en été. Si il est trop dissipé (relâché), utiliser la saveur acide afin de concentrer l’énergie. La Rate domine à la fin de l’été (ou dans chaque intersaison). Si elle est trop drainée, utiliser la saveur amer pour l’assécher. Le Poumon domine à l’automne. Si il est oppressé, utiliser la saveur amer pour le soulager (le purger). Le Rein domine l’hiver. Si il est asséché, utiliser la saveur piquante afin d’humidifier et permettre la circulation des humeurs et de l’énergie.

En résumé :

Une idée simple peut en résumer les principes de proportions :

« Mange comme un prince le matin, mange comme un marchand le midi, et comme un mendiant le soir ».

Ensuite il faut prendre en compte l’aspect énergétique des aliments, leur fraicheur (plus ils sont frais et plus ils ont de vitalité ce qu’on appelle le « jing », la saisonnalité car la terre nous guide par ce qu’elle produit dans le cycle naturel des saisons et le lieu où l’on est car il n’est pas nécessaire d’utiliser des aliments provenant de l’autre bout du globe pour se nourrir correctement.

Enfin il faut adapter tout cela à ce dont nous avons besoin en fonction de notre état (énergétique et physique), de nos activités et de notre esprit. On considère donc l’alimentation comme un facteur d’aide à la bonne santé.

En pratique bien manger c’est donc choisir des aliments de saison, locaux, sans traitements chimiques, variés, équilibrés et en quantités adaptées.

Mais l’art de la diététique chinoise réside aussi dans l’application des principes de la médecine chinoise à savoir le rapport yin et yang, les principes de montée et descente, le chaud et le tiède, le froid et le frais, le doux et le fade.

On considère aussi le qi des aliments et leurs actions (tropisme) et réactions qu’ils provoquent sur les organes et entrailles, sur le qi du corps et des organes, sur le sang et les liquides organiques.

Cuisiner c’est donc l’action de manipuler l’énergie, combiner les couleurs pour nourrir la vue, les parfums pour nourrir le nez, les saveurs pour nourrir la bouche, les formes pour nourrir les yeux, les sons pour nourrir les oreilles.

Les modes de cuissons (sauté, frit, bouilli, grillé, mijoté à la vapeur…) ainsi que la découpe (de haut en bas et inversement, la finesse et la régularité…) sont aussi pris en compte.

Voilà pourquoi c’est un art à part entière, alors n’hésitez pas à venir nous consulter où vous renseigner,  pour acquérir quelques connaissances et profiter pleinement des ses bienfaits.